Inner Smile

Le nouvel album d’Aldo Romano a été enregistré en Italie, terre de ses ancêtres, mais cela aurait pu se situer dans les confins du Groenland, tant le batteur est parvenu désormais à un absolu classicisme sans frontières. Les sessions se sont déroulées en compagnie d’amis de longue date, et cela constitue un élément plus signifiant : on n’enregistre de musique raffinée et sensible qu’en bonne compagnie. Et gageons que le trompettiste Enrico Rava, la contrebasse de Thomas Bramerie, ou le pianiste Baptiste Trotignon, outre d’être, chacun à leur pupitre, parmi les meilleurs d’Europe, offrent assurément la plus aimable des compagnies qui soit, c’est-à-dire réactive, curieuse, et cultivée.

Le patron des séances a composé la majorité des pièces d’un programme qui débute sur un mode de ballade (« Positano ») tout à fait séducteur. Une poignée de classiques (« I’m Getting Sentimental Over You », ou un « My Funny Valentine » de Rodgers et Hart, traversé par le spectre de Chet Baker) font exception à la règle. La composition collective « Kind of Autumn » affecte le caractère débridé d’une réunion spontanée, improvisation libertaire directement créée en studio. Quant au clin d’œil de « Where Is Aldo ? », composé par Trotignon, il permet au jeune pianiste de rendre, en quelques mesures solitaires, hommage à son aîné.

Inner Smile le bien nommé distille tout en finesse et subtilités, le (grand) art de musiciens qui utilisent leurs instruments comme des pinceaux, couchant sur la toile de leur imagination un pastel délicat et sophistiqué. Assurément l’un des meilleurs albums de jazz de l’année.