Rumeurs

C'est dans la chanson qu' Yves Simon a obtenu en premier la reconnaissance du grand public, dès 1973 il impose sa modernité, sa singularité, son étrangeté, dans des morceaux iconiques aux sonorités incroyables: "Au pays des merveilles de Juliet", "J'ai rêvé New York", "Amazoniaque", "Les Gauloises bleues". Toutes font partie de la mémoire d'une époque dont les battements de coeur refusent de s'apaiser. Rapidement, il devenait par ailleurs la seule vedette de la scène et des hit-parades à obtenir une crédibilité et une consécration d'écrivain, avec le succès d' "Océans", puis avec "Le Voyageur magnifique" (Prix des libraires 1988) et "La Dérive des sentiments" (Prix Médicis 1991). Aujourd'hui, le revoici de retour à la chanson : sur scène, aux Francofolies de La Rochelle et de Spa ; en studio avec ces "Rumeurs" qui auscultent les espaces et les liens entre les amants, les hommes et leur destin. Du Yves Simon magnétique, classique et pourtant renouvelé, superbement mis en valeur par Jean-Louis Piérot (Bashung, Miossec, Étienne Daho...), dont les arrangements classieux et discrets sertissent des mélodies divines, précieuses et habitées. "Rumeurs" évoque la fragilité des sentiments, des serments, comme celle de l'espoir, toujours suscités par ces filles qui obsèdent pareil séducteur. Elles sont nommées "Patrice", "Irène" et même "Marguerite" (chanson hommage à Yourcenar) ou envisagées comme genre tout entier: "La Métisse", "Les Filles ont des sentiments". Deux d'entre elles apparaissent ici à ses côtés, pour un rare duo ("Aux fenêtres de ma vie"), et l'actrice madrilène Angela Molina ("Cet obscur objet du désir" de Bunuel, "Le grand embouteillage" de Commencini, "En chair et en os" d'Almodovar) dans un récitatif à l'écho castillan pour le titre "La Rumeur" souligné d'irrésistibles chagrins de bandonéon, de vibratos de guitares et de tenues d'orgue entêtants. C'est à l'écoute de ses nouvelles chansons que sa sensibilité nous atteint le plus et nous rappelle sa contribution indélébile à la mémoire de sa génération. "Le bonheuroe- Il est retrouvé." Yves Bigot